lundi 13 octobre 2014

47° 9'S 126° 43'W : Celui qui chuchotait dans les abysses de Chrystel Duchamp et Eric Barge



47° 9’S 126° 43’W : Celui qui chuchotait dans les abysses. En voilà un titre énigmatique pour une œuvre atypique.
47° 9’S de latitude et 126° 43’W de longitude, ce sont des coordonnées situées à quelques milles du point Nemo (point de l’océan le plus éloigné de toute terre émergée). Coordonnées où, l’été 1997, une agence océanique perçoit un son rare perceptible dans un rayon large de 5 000 kilomètres. Un son appelé le « bloop » et qui a donné, depuis, lieu à de multiples théories quant à son origine.
Voici pour les faits historiques avérés. Pour l’histoire du livre, on prend place dans une expédition en route pour ces coordonnées, menée par l’extravagant professeur Lewis Theobald Jr., qui a sollicité le journaliste David Wayland pour en tenir le journal de bord. Il compte bien se rendre sur les lieux du « bloop » et ainsi conforter sa théorie : celle d’un monstre marin ancien tapi dans les abysses, et qui attendrait son retour.

Raconté à la manière d’un journal de bord, le texte est un véritable hommage à L’appel de Cthulhu, nouvelle devenue la pierre angulaire de l’univers inquiétant de Howard Pillips Lovecraft.
Aujourd’hui considéré comme l’un des plus grands écrivains fantastique américains de ce siècle, H.P.Lovecraft a été reconnu seulement après sa mort. Homme complexé, dont on décrit une existence ferme et raciste, il invente un panthéon de Dieux et monstres des plus effroyables appelés les Grands Anciens : Cthulhu, le rêveur endormi dans la cité sous-marine de R’lyeh, Azathot, le dieu aveugle, Nyarlathotep et tant d’autres, et nous fait assister à la renaissance de rituels hideux, fondateurs d’un culte blasphématoire que l’on pensait disparu depuis longtemps.
Les personnages de Chrystel Duchamp sont très similaires aux personnages de H.P. Lovecraft. Chercheurs, professeurs, journalistes, ils sont l’alter-ego de Lovecraft, êtres perdus d’avance dans leur découverte de la terrible Vérité. Leur seule victoire - avant qu’ils ne disparaissent ou ne perdent l’esprit - est de nous laisser par leurs récits un aperçu du panthéon des Grands Anciens, un testament sur l’horreur qui s’apprête à nous consumer.

L’écriture est terriblement efficace, le rythme s’installant peu à peu, et crescendo, nous amenant à un point terrifiant de non-retour, pour un final qui se pose encore une fois en digne successeur de l’œuvre de Lovecraft.
On s’amuse des références distillées par Chrystel Duchamp. Le nom de Lewis Theobald par exemple, ou encore la mention d’un certain Charles D. Ward, qui signe l’article du « Sydney Bulletin » en fac-similé de l’ouvrage.

Le format, quant à lui, est très original, avec un visuel accrocheur pour un grand format souple magnifiquement illustré par Eric Barge (on regretterait presque qu’il n’y ait pas plus de dessins tellement ceux-ci sont superbes).

Souvent, et c’est ici mon avis personnel, les écrits inspirés de Lovecraft sont d’excellents substituts et le plaisir de leur lecture égale presque celui d’un roman ou d’une nouvelle du maître, en étant à la fois plus contemporains et modernes, mais en même temps passionnés et fidèles.
On peut citer par exemple Neil Gaiman avec le très drôle Moi, Cthulhu ou La Spéciale des Shoggoths à l’ancienne, Stephen King avec des nouvelles comme Brume, N et le terrifiant Crouch End, ou encore Brian Lumley et son excellent personnage de Titus Crown, qui officie dans un univers lovecraftien.
Et bien, 47°9’S 126°43’W ne déroge pas à cette règle.


Chrystel Duchamp et Eric Barge signent ici un talentueux hommage à la force de l’imagination d’un maître de l’Imaginaire.


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