jeudi 7 novembre 2013

American Prophet de Paul Beatty



« Ce boulot de messie est une plaie ». C’est sur cette punchline surprenante que débute la quête de Gunnar Kaufman.
Issu de la classe moyenne afro-américaine, Gunnar, poète dans l’âme et fin basketteur, vit sa jeunesse de manière insouciante à Santa Monica, seul Noir parmi les Blancs plutôt aisés qui l’apprécient. Il est néanmoins contraint, suite au divorce de ses parents, de s’installer dans un ghetto de Los Angeles où règne la loi du plus fort, entre « Nègres », « Latinos » et « Bridés » comme ils s’appellent. Survivant tant bien que mal, il devient une figure de l’intelligence noire américaine, se voulant le fils spirituel de Martin Luther King. Mais, rapidement déçu, il va se transformer en un nouveau prophète de la communauté afro-américaine et promouvoir le suicide collectif de son peuple…
Paul Beatty pose ici la question de l’identité noire aux Etats-Unis. Ses préjugés raciaux, mais aussi sociaux. Il s’y amuse d’ailleurs en caricaturant son protagoniste. Passant du jeune rêveur afro au gourou de masse, jonglant par une période gangsta, Gunnar tente de se trouver une place dans le monde.
Remarqué chez nous avec Slumberland, Paul Beatty s’est avant tout fait connaître pour ses talents de slameur, et gagne à l’occasion d’un concours, un contrat de publication qui lui permettra d’éditer deux recueils de poésies, malheureusement inédits en France.
Premier roman de Beatty sorti en 1996 aux Etats-Unis, American Prophet (The Withe Boy Shuffle dans sa version originale) s’amuse à casser les stéréotypes racistes de façon originale, à la fois drôle, pleine d’autodérision, et dérangeante.
L’écriture possède un flow particulier, rythmé et dans une prose très slam, qui mélange poésie et argot de rue d’une manière surprenante mais maniée.
American Prophet est en somme un excellent roman coup de poing, qui bouscule nos préjugés tout en étant drôle, poétique et pertinent.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire